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Un expert avait écrit au sujet de son ouvrage : « Réaffirmant clairement les valeurs d’un service public d’éducation à l’heure de la construction, européenne, l’auteur nous propose un véritable guide pour l’exercice de notre métier en pleine responsabilité. C’est un incontournable. » Comment, dès lors, ne pas être favorable à une réédition ?
A cette occasion, j’appris que l’auteur était devenu l’inspecteur d’académie du département des Deux-Sèvres, fonction qu’il exerçait depuis qu’un terrible accident sur l’autoroute A 10 avait fauché son prédécesseur en route pour Poitiers. C’était un retour au pays pour cet enfant de Triou, né dans une famille d’agriculteurs, qui ne cachait pas son enracinement poitevin et était fier parfois de proclamer que le patois pouvait servir à mieux comprendre certaines subtilités de la grammaire française, par exemple l’accord du participe passé.
Agrégé de mathématiques, Daniel Brillaud avait enseigné pendant une douzaine d’années en France mais aussi en Tunisie. Puis il était devenu principal du collège de Loudun, puis proviseur successivement dans le Finistère et en Gironde, enfin inspecteur d’académie adjoint en Ille-et-Vilaine, avant de revenir dans son département d’origine où il exerça ses fonctions de janvier 2003 à octobre 2007.
C’est quelques mois plus tard qu’au retour d’une manifestation à laquelle nous participions tous les deux à Poitiers, et après avoir fait plus ample connaissance, Daniel m’invita à adhérer à l’Amopa dont je n’avais jusqu’ici jamais entendu parler. Il est vrai que si j’avais été décoré des palmes académiques par le recteur de l’académie de Bordeaux, je n’avais jamais jusqu’à ce jour montré un grand enthousiasme pour cet ordre, persuadé que mieux valait l’action que la récompense.
Cependant, pour Daniel, j’acceptais de rentrer au bureau de la section départementale des Deux-Sèvres de l’Amopa au moment de la retraite. J’y retrouvai quelques amis chers, notamment Maurice Moinard ou Christian Chiraux, mais aussi Jacques Garandeau, Jacques Seguin et Claude Morillon, tous trois professeurs d’histoire-géographie, ma discipline d’origine.
Il est vrai que Daniel avait bien préparé le terrain en me demandant, quelque temps auparavant, de donner, dans le cadre de l’Amopa, une conférence sur Edmond Proust dans les locaux de la MAIF, dont j’avais publié quelques années auparavant l’histoire.
A sa retraite en 2007, Daniel se mit en tête d’écrire un essai philosophique auquel il pensait depuis l’adolescence. Quasiment autodidacte en philosophie, il souhaitait disposer de temps pour étoffer ses connaissances et effectuer un travail de réflexion.
Ainsi naquit son ouvrage intitulé « Jardins philosophiques partagés » qu’il eut la possibilité de dédicacer à la librairie des Halles de Niort et qu’il présentait lui-même ainsi : « En cultivant un « jardin philosophique », on forge une capacité à penser par soi-même, celle-ci étant fondée sur une appropriation raisonnable du « patrimoine philosophique », mais surtout sur le développement d’une autonomie de jugement permettant d’appréhender au mieux les questions existentielles dans leur singularité et les réalités écologiques, sociales, économiques, politiques, culturelles auxquelles un homme peut être confronté. » Tout un programme ! Et quel humanisme !
Efficacement secondé par Camille Salètes, Daniel Brillaud orienta l’activité de l’Amopa départementale en direction de la promotion de la langue et de la culture françaises, transcendant ainsi le risque corporatiste qui pouvait saisir les médaillés des palmes académiques. Ce faisant, il en assurait le rayonnement bien au-delà de ses propres adhérents et contribuait à leur offrir des objectifs socioculturels plus exaltants.
Cela ne l’empêchait pas de respecter les rites inhérents à toute association, notamment l’assemblée générale annuelle à laquelle Daniel était très attaché, au point d’y participer régulièrement bien après le passage de témoin à Philippe Tiquet, le nouvel inspecteur d’académie, puis à Catherine Dambrine, première femme à assumer ce rôle. Aussi, le revoir lors de nos assemblées générales était un plaisir renouvelé où se révélaient son amitié fidèle et ce petit sourire qui ne le quittait jamais.
Sa fidélité en amitié se marquait aussi chaque année avec l’envoi d’une carte de vœux toujours originale, décorée d’une photo personnelle et qui résumait à grands traits les faits marquants de l’année pour lui et sa famille. Elle ne manquait jamais d’une pointe d’humour bien à lui. En témoigne par exemple ce qu’il écrivait à propos de l’année 2020 marquée par l’épidémie de coronavirus : « Les Brillaud ne sont pas rancuniers et n'en voudront pas à tous ceux qui leur ont souhaité une bonne année 2020. Balayant devant leur porte, ils plaident eux-mêmes "coupables" pour avoir propagé l'une des premières fake news de l'année. »
Éloigné des Deux-Sèvres depuis qu’il avait choisi de s’installer à Plassac, il ne manquait jamais de rappeler à ses amis de l’Amopa qu’ils étaient les bienvenus chez lui s’ils venaient à passer par la Gironde. Je ne manquai pas de céder à cette invitation lors d’un déplacement direction de Bordeaux. Outre la qualité de l’accueil de son épouse et de lui-même, je fus frappé de constater combien il s’investissait dans la vie locale à travers diverses associations et combien il était fier de pouvoir faire découvrir son nouveau petit pays, notamment la villa gallo-romaine de Plassac. Il tint absolument à me la faire découvrir, suspectant avec raison que cette visite ne manquerait pas de m’intéresser profondément, surtout avec un guide aussi compétent que lui.
Tel était Daniel. Compétent, humain, chaleureux, curieux, ouvert.
Sa gentillesse, sa fidélité, sa sagesse vont nous manquer.
Michel Chaumet